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Qui sont les médecins généralistes aujourd’hui ? Comment expliquer le désamour de la profession ? Comment les pratiques des dernières années ont-elles évolué, et quels sont les grands défis de demain ? Nous avons été à la rencontre de Benjamin Derbez, sociologue et maître de conférence de l’Université de Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, et co-auteur de l’ouvrage “Introduction à la sociologie de la santé” (2019).

Qui sont vraiment les médecins généralistes en France aujourd’hui ? Quels sont leurs profils ?

Une des premières évolutions sociologiques chez les généralistes est la féminisation du métier : 70% des étudiants en médecine en première année, et 60% en deuxième année, sont des femmes. Aujourd’hui, chez les médecins généralistes de moins de 30 ans qui commencent à exercer, on compte 65% de femmes. 

Quant à la moyenne d’âge, elle est encore relativement élevée (légèrement plus que 50 ans) : il y a une part significative de médecins généralistes en activité qui va bientôt partir à la retraite. Compte tenu de la féminisation en cours, la moyenne d’âge des femmes est plus basse (47 ans) que celle de leurs confrères masculins (54 ans). 

Quelles sont les raisons premières qui poussent les médecins généralistes à choisir cette spécialité ?

Le choix de la spécialité est particulier en médecine car il dépend de multiples facteurs, dont le classement de l’étudiant en sixième année. On observe que la médecine générale est plutôt choisie après les autres spécialités, parfois jugées plus “socialement prestigieuses” : la cardiologie, l'ophtalmologie, les maladies infectieuses, etc. Elle arrivait au 39ème rang sur 44 dans le choix des spécialités en 2020

Cependant, on sait que des étudiants bien classés choisissent aussi cette spécialité, majoritairement des femmes. Leurs motivations sont multiples. Parmi elles, le lieu de l’internat. Des études sociologiques ont montré que les étudiantes vont prendre davantage en compte que leurs confrères masculins leur situation de couple au moment du choix de leur spécialité. Par ailleurs, la liberté d'installation que confère la médecine générale est très bien perçue : les étudiants savent qu’ils vont pouvoir rapidement s’installer tout en ayant une grande variété de “missions” dans la journée. L’omnipratique - prise en charge du patient dans sa globalité - qui accompagne la médecine générale est valorisée.

Certains parlent du médecin généraliste comme d’un “pivot” dans le système de santé. Concrètement, comment ont évolué les missions du médecin généraliste dans le temps ?

Depuis 2004, avec la réforme du médecin traitant, les médecins généralistes sont au cœur du système de santé et sont considérés comme les portes d’entrée de ce système. Cette réforme s’inscrit en effet dans un contexte plus global : celui du “virage ambulatoire”, qui a consisté à déplacer le centre de gravité du système de santé de l’hôpital vers la ville. 

Les médecins se sont retrouvés, dans les mêmes années, “missionnés” pour coordonner les parcours de soins des patients. Mais avec la pénurie actuelle de médecins généralistes, de plus en plus de patients n’ont plus de médecin traitant, et donc ne peuvent plus rentrer dans le système de santé !

Les médecins généralistes ont aussi intégré des missions de prévention depuis une quinzaine d’années. Une ROSP (rémunération sur objectif de santé publique) est venue compléter la rémunération à l’acte, et a conduit les médecins généralistes à intégrer des missions inédites : dépistages, entretiens de prévention, etc. Cependant, ces objectifs de santé publique sont encore en demi-teinte : les médecins n’ont pas suffisamment le temps de prendre en charge de telles missions ou ne sont pas suffisamment formés. La prévention reste encore le parent pauvre de la formation médicale !

Quelles sont les attentes des médecins généralistes dans le futur, concernant l’organisation de leur travail et leur qualité de vie ?

L’éthos professionnel du médecin, qui a longtemps été celui de la disponibilité permanente pour ses patients, est en déclin. Les médecins d’aujourd’hui, notamment du fait de la féminisation de la profession - malheureusement, ce sont encore les femmes qui gèrent majoritairement la gestion des tâches domestiques - aspirent à mieux articuler vie professionnelle et vie personnelle et sont en recherche d’une nouvelle organisation du travail

Les modes d’exercice évoluent : les médecins se tournent de plus en plus vers l’exercice mixte avec une part de salariat, mais aussi vers l’exercice en groupe ou en maison de santé pluriprofessionnelle. Les jeunes médecins ne souhaitent plus exercer de manière isolée mais en coordination avec d’autres confrères, consoeurs. Cet exercice collectif est d’ailleurs largement promu, au même titre que la prévention, par les ARS qui donnent les moyens aux médecins de monter ce type de structures, notamment dans les zones rurales.

La formation continue peut-elle permettre de mieux accompagner les médecins généralistes dans leur quotidien? Expriment-ils le souhait d’être mieux formés tout au long de leur carrière ?

L’omnipratique liée à l’activité même des médecins généralistes implique de rester toujours à la page en matière de connaissances, concernant les pathologies ou l’évolution des traitements. Cette dimension attire autant qu’elle ne peut réfréner certains jeunes talents. Les médecins généralistes aiment leur profession pour cet aspect complet dans l’accompagnement du patient et cherchent à se former régulièrement. Ce sont là encore les femmes qui expriment davantage d’appétence pour la formation, et qui ont la volonté de diversifier leurs activités au quotidien. La formation continue des médecins généralistes est donc perçue comme une réelle nécessité par la profession.

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