Les maladies chroniques concernent aujourd’hui 80% des patients qui consultent en ambulatoire. Avec l’augmentation de l'espérance de vie, et selon les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le nombre de personnes concernées par une maladie chronique va continuer d’augmenter. Ces maladies de longue durée, sont souvent évolutives avec un retentissement sur la vie quotidienne des patients et des familles. Il est primordial de former les professionnels de santé en matière d’aide et d’accompagnement des patients dans des parcours de soins souvent longs et fastidieux.
Mais la question est : Qui former? Quel est le professionnel de santé le plus apte à accompagner le patient dans la découverte de sa maladie et donc de son nouveau mode de vie ? Nous avons posé directement la question à des pharmaciens d’officine : “On collabore avec les médecins pour que le patient ait l’essentiel de l’information qui lui permet de devenir acteur de sa propre santé et de prendre cette dernière en main.” Alors oui, les pharmaciens ont un rôle tout aussi important que les médecins dans l’éducation thérapeutique des patients. Mais pourquoi?
En effet, beaucoup de patients voient encore la pharmacie comme un commerce, et donc le pharmacien comme un commerçant. Pourtant, 100% des pharmaciens interrogés considèrent avoir un impact important sur l’éducation thérapeutique de leurs patients. Avec ou sans ordonnance, la pharmacie est le seul lieu habilité à vendre et distribuer des médicaments. Jusqu’à la fin des années 70, les missions les plus fréquentes du pharmacien étaient principalement la production et la dispensation du médicament. Petit à petit, le pharmacien, diplômé et responsable d’une officine, a été pensé, à travers sa formation initiale, à l’image du médecin, c’est-à-dire en allié du patient par opposition aux industries pharmaceutiques, économistes et assureurs qui développent des objectifs purement productifs sur le court terme. Il s’agit de passer, pour le pharmacien, d’une pratique tournée vers le médicament à une pratique tournée vers le patient.
En quoi l’éducation du patient au sujet de sa maladie et son traitement est primordial ?
L'observance thérapeutique se réfère à la mesure dans laquelle les patients suivent les recommandations médicales en matière de prise de médicaments mais également de régime alimentaire ou de changements de mode de vie dans le cadre de maladies chroniques. En accompagnant les malades chroniques, le médecin voit son rôle évoluer passant de prescripteur de médicament à prescripteur de comportements de vie. Les taux d'observance varient considérablement en fonction des maladies, mais en moyenne, ils se situent autour de 40 à 50%. Ce taux actuel démontre que le patient conserve inévitablement la liberté de choix dans ses actes de suivi de traitement. La non-observance entraîne une perte de chance pour le patient (en cas de maladies cardiovasculaires, l’observance réduit, par exemple, de moitié le taux de mortalité) et une perte de 9,3 milliards d’euros de dépenses qui pourraient être évitées pour la France.
Pour faire évoluer ces chiffres à la hausse, il est primordial d’agir le plus en amont possible de la chaîne des soins en mettant en place une collaboration interdisciplinaire autour, mais surtout, avec le patient.
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) permet un équilibrage entre le niveau maximum de pouvoir et de liberté du patient (automédication) et de celui de l’éducateur (observance). Il s’agit d’une démarche d’instruction du patient vis-à-vis de sa santé, sa maladie et ses traitements mais également d’éducation en lui donnant des outils, des compétences et des mécanismes dans une logique d’autonomie, d’autosoin et d’adaptation contrôlée. Le patient n’est plus observateur mais acteur de sa maladie. On parle d’alliance thérapeutique.
Quel est le rôle du pharmacien dans l’éducation thérapeutique du patient?
Actuellement, dans la plupart des programmes interdisciplinaires encourageant la promotion de l’ETP, l’implication du pharmacien d’officine est rarement évoquée. Pourtant, en plus d'être le professionnel de santé le plus accessible pour le public, il se situe à l’interface entre le patient et le médecin.
La pharmacie, quant à elle, représente une étape clef dans la décision du patient puisque ce dernier choisit en toute conscience d’aller chercher ses médicaments après l’étape de la prescription. Il s’agit d’une résolution déterminante pour l’adhérence à son traitement. On parle d’observance primaire. Se joue alors une interaction cruciale entre le patient et le pharmacien. Il s’agit pour le professionnel de reconnaître le caractère chronique et souvent silencieux de la maladie et de parvenir à une intégration harmonieuse d’un traitement souvent contraignant. Le pharmacien c’est, en quelque sorte, le rugbyman de l’équipe de professionnels de santé qui transforme l’essai.
“En tant que pharmacien, je commence déjà par analyser l’ordonnance du patient et à lui poser plusieurs questions afin de connaître ses besoins : lui demander s’il s’agit de son premier traitement, si sa maladie est nouvelle ou plutôt ancienne, s'il a déjà changé de traitement. J’essaie également de comprendre son mode de vie (activité physique, alimentation, environnement de travail) afin d’adapter le traitement…”
Voici quelques idées issues d’un modèle compréhensif des comportements de santé (Health Beliefs Model) que vous pouvez utiliser comme ligne directive lors de l’interrogatoire que vous faites à votre patient afin de bien comprendre les enjeux spécifiques de son adhésion au projet thérapeutique :
- L’intégration psychique : le patient se perçoit-il réellement malade ?
- L’anticipation des conséquences morbides et bénéfiques de la maladie et d’une prise en charge : comment perçoit-il les risques de cette maladie ?
- La compréhension des enjeux et des décisions thérapeutiques : comment perçoit-il l’intérêt du traitement proposé ?
- La volonté de participation et d’autonomie : comment perçoit-il les inconvénients et les bénéfices du traitement proposé ?
Le pharmacien se place du côté du traitement tandis que le médecin, lui, se place du côté de la maladie. Il peut apporter un éclairage différent et particulièrement dynamique en se plaçant dans un rôle de médiateur, aidant le patient à reformuler ses impressions, à analyser son expérience thérapeutique afin qu’il puisse transmettre son vécu au médecin et donc adapter son traitement et permettre une observance thérapeutique optimale.
Il est primordial, dans ce cadre, de revoir l’agencement des officines pour favoriser les échanges confidentiels (aménagement de coins conseils) afin de mettre en place une première étape de communication qui aura par la suite des conséquences sur le processus d’acceptation de la maladie et du traitement.
“Le pharmacien a une grande responsabilité en terme de bonne compréhension de la maladie et de ses enjeux. Il faut remettre en question la posologie, le dosage, la durée du traitement, vérifier les effets indésirables ou les aggravations des symptômes. En bref, il faut vérifier la cohérence des prescriptions médicales avec la maladie.”
Lorsque le patient adhère à son traitement, le pharmacien a alors un rôle d’accompagnateur en matière d’organisation pratique (plan thérapeutique détaillé adapté au patient), d’aide à la performance et à la manipulation des produits (apprentissage et familiarisation des produits), d’aide à l'adaptation (gestion des situations exceptionnelles) et enfin, il se positionne comme soutien lors de situation de crise, de rechute ou d’effets secondaires (désobstruction du SAMU et des urgences). Dans ce cadre, il est primordial pour le pharmacien d’être toujours à la pointe des nouveaux traitements et fonctionnements de dispositifs médicaux.
Ne laissez pas passer l'occasion de vous engager dans une formation continue enrichissante. Plongez-vous dans les domaines avant-gardistes des sciences pharmaceutiques pour développer une expertise de premier plan. À mesure que les maladies chroniques se multiplient, la montée des "patients experts" devient incontournable et avec eux, un nouveau paradigme : l’éducation du professionnel de santé par son patient.