Outil clé en médecine générale, l’électrocardiogramme (ECG) reste souvent sous-estimé dans le cadre des prescriptions médicamenteuses. Pourtant, certains traitements, notamment ceux associés à un risque de troubles du rythme cardiaque, nécessitent une vigilance particulière. L’allongement de l’intervalle QT, les arythmies ou d'autres effets indésirables graves peuvent être prévenus grâce à cet examen rapide et accessible. Alors, pourquoi l’ECG est-il essentiel avant la prescription de médicaments à risques ?
- Médicaments à risque : définition et exemples
- L’importance de l’ECG avant la prescription d’un médicament à risque
- Bonnes pratiques pour intégrer l’EGC avec les médicaments à risque
Médicaments à risque : définition et exemples
Un médicament est considéré comme "à risque" lorsqu'il peut provoquer des effets secondaires graves, en particulier au niveau cardiovasculaire. Parmi les critères d’alerte, l’allongement de l’intervalle QT et l’effet stabilisant de membrane sont parmi les plus courants.
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L’allongement de l’intervalle QT
Cet intervalle, mesuré sur l’ECG, correspond au temps nécessaire à la repolarisation des ventricules cardiaques. Lorsqu’il est trop prolongé, il augmente le risque de torsades de pointes, une forme d’arythmie ventriculaire pouvant évoluer en fibrillation ventriculaire et entraîner un arrêt cardiaque.
Un QT corrigé (QTc) supérieur à 450 ms chez l’homme et 470 ms chez la femme est considéré comme allongé. Au-delà de 500 ms, le risque de torsades de pointes est significativement augmenté, nécessitant une réévaluation urgente du traitement.
La formule de Bazett est la plus couramment utilisée, bien qu’elle tende à surestimer les valeurs lorsque la fréquence cardiaque est élevée.
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L’effet stabilisant de membrane
Certains médicaments, en modifiant la conductance ionique des cellules myocardiques, ralentissent ou perturbent la transmission des impulsions électriques dans le cœur. Cela peut entraîner des troubles de conduction ou des bradycardies sévères.
Ces mécanismes, souvent méconnus, justifient une attention accrue, notamment chez les patients présentant des facteurs de risque préexistants. Les patients âgés, polymédiqués ou présentant des antécédents cardiovasculaires sont particulièrement vulnérables à ces mécanismes.
Exemples de médicaments à risque qui nécessitent un ECG
Certains médicaments à risques couramment prescrits méritent une vigilance particulière et la réalisation d’un ECG :
- Les antiarythmiques, comme l’amiodarone, modifient directement l’activité électrique cardiaque et prolongent la phase 3 du potentiel d’action ventriculaire en inhibant les courants potassiques sortants.
- Les psychotropes, notamment les antipsychotiques et certains antidépresseurs (comme l’halopéridol ou les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline), peuvent affecter le QT.
- Certains antibiotiques, comme les macrolides (azithromycine) et les fluoroquinolones (ciprofloxacine), peuvent également allonger cet intervalle.
- Les antifongiques et antipaludéens, comme l’hydroxychloroquine et les azolés, comme le voriconazole, sont aussi impliqués dans des effets électrophysiologiques indésirables.
Avant toute prescription, l’ECG peut prévenir des complications évitables.
L’importance de l’ECG avant la prescription d’un médicament à risque
Détection des anomalies cardiaques
L’ECG permet d’identifier des pathologies cardiaques préexistantes pouvant contre-indiquer ou nécessiter une adaptation thérapeutique.
Exemples :
Pour les arythmies : un patient présentant une fibrillation auriculaire ou des extrasystoles ventriculaires fréquentes peut voir ces troubles exacerbés par certains médicaments.
Pour les troubles de conduction : les blocs de branche, par exemple, peuvent compliquer l’interprétation d’un éventuel allongement du QT et nécessiter un avis spécialisé avant toute prescription.
Pour les anomalies silencieuses : chez des patients asymptomatiques, des anomalies comme un QT prolongé ou une onde U proéminente peuvent révéler une susceptibilité particulière aux effets des médicaments.
Évaluation du risque potentiel lié aux médicaments
Avant d’initier un traitement, l’ECG offre une photographie de l’état de base du cœur. Cela permet de confirmer l’absence de contre-indications liées au médicament envisagé, d’ajuster les doses ou de choisir un traitement alternatif moins à risque ou de personnaliser le suivi.
Un patient avec un QT légèrement prolongé au départ nécessitera un contrôle plus fréquent.
Contrôle de l’ECG durant le suivi des médicaments à risque
Une fois le médicament administré, il reste important de poursuivre le contrôle de l’ECG durant le traitement. Un contrôle régulier permet de vérifier que des signes de risques n’apparaissent pas.
Notamment pour de nombreux traitements tels que les antiarythmiques ou les psychotropes. Cela permet de :
- Identifier des anomalies survenant après le début du traitement, comme un allongement progressif du QT.
- Ajuster rapidement les doses ou interrompre le traitement en cas de signes avant-coureurs.
- Réassurer les patients, notamment ceux qui expriment des craintes liées à des antécédents familiaux de mort subite.
Les médecins généralistes peuvent s’appuyer sur des intervalles clairs pour le suivi :
- Premier contrôle : 7 à 10 jours après le début du traitement pour les médicaments ayant un effet rapide sur le QT.
- Contrôles ultérieurs : à chaque renouvellement de prescription ou dès l’apparition de symptômes comme des palpitations ou des malaises.
Bonnes pratiques pour intégrer l’EGC avec les médicaments à risque
L’intégration de l’ECG dans la pratique médicale quotidienne repose sur des indications claires et une organisation fluide au sein du cabinet. Parmi les situations justifiant un électrocardiogramme, on retrouve la prescription de médicaments connus pour allonger l’intervalle QT, en particulier chez les patients à risque, tels que ceux ayant des antécédents cardiaques, une insuffisance rénale ou une polymédication.
De même, la survenue de symptômes évocateurs, comme des palpitations, des syncopes ou des douleurs thoraciques, justifie pleinement la réalisation de cet examen. En complément, le contrôle d’un traitement en cours, qu’il s’agisse d’en évaluer l’efficacité ou de détecter d’éventuels effets secondaires, constitue une autre indication fréquente.
Pour intégrer l’ECG dans le parcours de soins, quelques bonnes pratiques organisationnelles s’avèrent précieuses. Du côté du praticien, même sans expertise poussée en électrocardiographie, la reconnaissance des anomalies les plus fréquentes, comme un allongement de l’intervalle QT ou un bloc de branche, reste accessible après une formation adaptée au médecin généraliste comme la formation ECG Lecture et Analyse de Santé Académie animée par le Dr. Taboulet.
La lecture de l’ECG est une compétence facilement accessible grâce à des formations adaptées. Ces formations, associant théorie et cas cliniques, permettent aux praticiens d’acquérir les compétences nécessaires pour intégrer l’ECG dans leur pratique quotidienne en toute confiance.
Cet article a été validé par des professionnels de santé et vérifié par des sources sûres au moment de sa publication. Il ne prétend cependant pas à l’exhaustivité des informations fournies. Le présent article n’a qu’un but informatif et ne remplace pas une formation ou un conseil médical.