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Dans seulement deux semaines, les Jeux Olympiques 2024 débuteront à Paris, un événement tant attendu par des millions de spectateurs et, surtout, par les athlètes eux-mêmes. Parmi ceux qui s'affairent en coulisses pour garantir les meilleures performances des sportifs français, Hugo Maciejewski et Antoine Bruneau jouent un rôle crucial. Antoine Bruneau, médecin des équipes de France d’athlétisme à mi-temps de la Fédération Française d'Athlétisme (FFA), consacre depuis janvier une bonne partie de son temps aux préparatifs olympiques, jonglant habilement entre ses responsabilités à l'hôpital et celles auprès des athlètes. Hugo Maciejewski, co-responsable de la cellule d’optimisation de la performance de la FFA, travaille sans relâche pour mettre en place des stratégies innovantes et efficaces visant à maximiser les performances des athlètes.

Dans cette période de préparation intense, Santé Académie a eu l'opportunité de rencontrer ces deux professionnels dévoués pour plonger au cœur du fonctionnement du staff médical de l'équipe d'athlétisme sélectionnée pour les Jeux Olympiques. Leur témoignage nous offre un aperçu exclusif de l'organisation, des défis et des innovations qui caractérisent la préparation de nos champions pour cet événement mondial.

Comment est structuré le staff médical pour les athlètes français participant aux Jeux Olympiques, et en quoi diffère-t-il de celui des fédérations sportives nationales ?

Antoine Bruneau : Pour les Jeux Olympiques est créée une équipe olympique de France, distincte des équipes de chaque fédération. Par conséquent, nous sommes un staff médical olympique, et nous opérons sous la bannière du CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français), plutôt que sous celle de la FFA (Fédération Française d'Athlétisme). Nous représentons les staffs habituels de chaque fédération mais en comité réduit spécifiquement pour les jeux. 

À la fédération d'athlétisme, je travaille avec une équipe composée de 25 à 30 médecins, environ soixante kinésithérapeutes, ainsi que quelques podologues, infirmiers, psychologues et diététiciens. Il est primordial de faire en sorte que les athlètes inscrits aux Jeux Olympiques aient été en contact régulier avec un noyau restreint de ce personnel médical pendant 2 à 3 ans. Les membres du staff olympique sont des professionnels qui collaborent avec les athlètes depuis au moins 8 à 10 ans. À l'approche des Jeux, l'équipe médicale se resserre naturellement pour offrir un soutien optimal. Il est essentiel de créer une relation de confiance et de multiplier les rencontres, ce qui nécessite une planification sur plusieurs années.

Comment sont sélectionnés les personnels médicaux de votre fédération pour les Jeux Olympiques ?

Antoine Bruneau : En athlétisme, pour le staff médical, nous avons 3 personnes accréditées au sein du village olympique et 6 à l'extérieur pour s'occuper de 90 athlètes. Ce quota d’accréditations dépend du nombre d'athlètes qualifiés. Pour les sports collectifs, le chiffre est fixe. En athlétisme, nous pouvons avoir au maximum trois athlètes par discipline représentant notre pays (sachant qu’il y a 48 épreuves). Le nombre d’accréditations est donc déterminé par le CIO (Comité International Olympique) en fonction du nombre d'athlètes. Concernant le quota médical, chaque fédération se met d'accord sur le nombre de personnel médical en concertation avec le Directeur Technique National, celui de la Haute Performance et le médecin des équipes de France. 

Hugo Maciejewski : En fait, on partage notre quota d’accréditations entre les coachs, la direction technique nationale (la fédération), les coachs personnels des athlètes, le médical, le paramédical et l’optimisation de la performance, et cela, en fonction des priorités et des besoins que l’on a bien identifié sur l’évènement.

Quelle est la différence entre le personnel accrédité et non accrédité ?

Hugo Maciejewski : Quand on parle de staff olympique, on englobe les personnes accréditées pour entrer au village olympique et celles qui ne le sont pas. Le challenge est de fournir du personnel qualifié sur la maison de la performance, sur le village olympique, sur le terrain d’échauffement et sur le pré-camp de l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance). Il faut autant être présent pour les athlètes en compétition, que ceux en préparation ou en retour de compétition. 

Antoine Bruneau : Les personnes accréditées sont celles qui ont le droit d’entrer et de résider au village olympique ou d’accéder aux installations olympiques. Ces membres ont un accès direct aux athlètes et aux installations olympiques facilitant ainsi une prise en charge médicale rapide et efficace. Le personnel non accrédité n’a pas le droit d’accès au village olympique, mais peut travailler sur les sites externes, comme le camp préparatoire de l’INSEP, en coordination avec l’équipe centrale pour assurer une couverture médicale complète.

Quelles sont les qualifications et les expériences requises, notamment pour les Jeux Olympiques ?

Antoine Bruneau : Le processus de sélection est rigoureux, visant à inclure des professionnels hautement qualifiés et expérimentés, afin d’assurer le meilleur soutien possible aux athlètes durant les jeux. Les membres du personnel médical doivent avoir des qualifications et des expériences spécifiques pour être sélectionnés (diplômes médicaux appropriés, des certifications en médecine du sport, une expérience préalable avec des équipes sportives de haut niveau en athlétisme…). Mais on cherche également des compétences humaines, un savoir-vivre en équipe, il s’agit d’accorder les caractères. Il faut être souple dans l’organisation car les Jeux Olympiques sont faits d’un ensemble d’imprévus. 

Hugo Maciejewski : Tout à fait, on travaille avec des athlètes de haut niveau dans un climat de stress et de pression important. On a besoin d’avoir des équipes composées de gens qui respirent la sérénité.

Comment assurez-vous une communication fluide et efficace entre les départements médical et de performance notamment pour ajuster les entraînements en fonction des états de santé des athlètes ?

Antoine Bruneau : En tant que médecin, et même dans le cadre des Jeux Olympiques, nous ne sommes pas exonérés du secret médical. Toutes les informations concernant la santé des athlètes doivent rester confidentielles et ne peuvent être partagées qu’avec les personnes autorisées et concernées. 

Deux jours spécifiques sont prévus à l’INSEP pour réunir toutes les équipes et accueillir les premiers athlètes pour commencer leur camp préparatoire. Ces stages préparatoires permettent aux athlètes de s'entraîner, de se préparer mentalement et physiquement et de bénéficier des services médicaux et paramédicaux nécessaires avant de se rendre sur le site olympique. 

Pendant les jeux, il est crucial que les médecins et les autres membres du staff communiquent très régulièrement via téléphone et via d’autres moyens de communication sécurisés. L’objectif est que toutes les informations médicales importantes soient partagées en temps réel entre les différents sites. Pour cela, il est prévu des réunions présentielles autour des sites pour faciliter le partage d’informations (cas spécifiques des athlètes, incidents médicaux, stratégies de prévention…). Le dossier médical de chaque athlète est accessible sur une plateforme sécurisée en ligne accessible par tous les professionnels de santé prenant en charge les athlètes mais pouvant être sur des lieux différents pendant les jeux.

Quels sont les avantages à l’organisation des Jeux Olympiques en France cette année comparé aux autres années ?

Antoine Bruneau : L'agence nationale du sport, distincte du CNOSF, a créé un espace à côté du village olympique, accessible sans accréditation olympique, pour accueillir les athlètes et les staffs non accrédités. Cela constitue un avantage, car il permet au staff élargi autorisé par la fédération d'être proche des athlètes sans nécessiter d'accréditation. Ce lieu s'appelle la "maison de la performance".

Comment les protocoles et ressources de santé sont-ils intégrés aux programmes de performance, en collaboration avec l’équipe d’optimisation de la performance, et quels dispositifs sont mis en place pour le suivi des athlètes, la gestion des blessures et la récupération après les entraînements ?

Antoine Bruneau : L’équipe d’optimisation suit les athlètes toute l'année pendant leurs entraînements et nous envoie des alertes sur d’éventuelles problématiques. Nous assurons un suivi global des athlètes lors des compétitions intermédiaires, recommandons des protocoles et ressources, échangeons directement avec les entraîneurs, et surveillons les états de forme. Nous n'intervenons sur le contenu technique de l'entraînement que pour gérer les blessures nécessitant un arrêt et de la rééducation.

Hugo Maciejewski : Depuis la création de la cellule d’optimisation, en septembre 2022, nous avons établi un protocole de récupération en collaboration avec l'équipe médicale. Ce protocole standardisé individualisé comprend des cycles sur ergomètre, des bains froids et des soins de kinésithérapie, avec une séquence et une temporalité spécifiques. Il est mis en place sur le terrain d'échauffement annexe au Stade de France. Initialement, la cellule d’optimisation prend en charge les athlètes, puis les kinésithérapeutes interviennent dans le cadre de ce protocole de récupération. Cela illustre bien la collaboration entre l’optimisation de la performance et l’équipe médicale.

 

Comment le suivi médical contribue-t-il directement à l’amélioration des performances athlétiques, avec des exemples concrets d’interventions médicales ayant un impact positif ? 

Antoine Bruneau : Le maître mot et l’idée directrice est d’agir en amont, de faire de la prévention. On a évité énormément de covid en 2021 en proposant des tests, des masques et des mesures d'hygiène des mains. 

L'athlétisme est un sport où les blessures sont fréquentes. Un athlète blessé qui est suivi par le staff a beaucoup plus de chances de participer à la compétition majeure de l'année. Nous jouons un rôle de guide. Lorsqu'ils nous informent, ce qui n'est pas toujours le cas, nous pouvons établir rapidement un diagnostic et les orienter de manière appropriée.

En 2021, sans mentionner de noms, nous avons collaboré avec les kinésithérapeutes personnels d’un athlète 3 semaines avant les JO pour permettre à un athlète blessé de participer à sa finale des Jeux Olympiques de Tokyo grâce à un système de strapping et de soutien.

On a le droit de donner certains médicaments toujours dans la limite de ce qui est autorisé par les règles anti-dopage. Même avec une fracture des côtes, on est autorisé à administrer des anesthésiants. Par ailleurs, nous agissons avec bienveillance et sommes présents pour les aider à prendre les bonnes décisions, telles que ne pas concourir si les risques d'aggravation sont trop élevés. 

Mais les athlètes restent maîtres de leurs choix. La seule situation pour laquelle nous pouvons émettre une contre-indication formelle concerne les urgences vitales ou psychiatriques.

Les données médicales et les analyses de santé sont-elles utilisées pour personnaliser les programmes d'entraînement ?

Antoine Bruneau : Nous disposons d'un outil de dossier médical sur une plateforme en ligne sécurisée, qui fonctionne comme un dossier médical classique, mais avec une interface de monitoring supplémentaire. Cet outil permet aux athlètes de répondre quotidiennement à des questionnaires sur leur sommeil, leur état général, leur douleur, etc. Des mesures physiques, telles que la fréquence cardiaque et la saturation en oxygène la nuit, sont également réalisées à l'aide de capteurs connectés. Toutes ces données sont transmises au personnel médical. L'outil s'appelle Medisharp et Playsharp.

Avez-vous des partenariats avec des hôpitaux ou des universités sur des projets de recherches pouvant améliorer la performance des athlètes ?

Antoine Bruneau : Nous travaillons avec l’INSEP qui porte régulièrement des projets avec des fédérations et nous disposons également de thésard étudiant le plus souvent en STAPS. Nous participons aussi actuellement, par exemple, avec l’équipe médicale espagnole à une étude épidémiologique sur l’utilisation des chaussures carbone afin d’en comprendre l’utilisation et leur impact sur certaines pathologies. 

En conclusion, la préparation des athlètes français pour les Jeux Olympiques 2024 à Paris est le fruit d'un travail acharné et d'une collaboration étroite entre différents professionnels, dont Antoine Bruneau et Hugo Maciejewski. Leur expertise et leur dévouement illustrent l'importance de l'optimisation de la performance et de la prise en charge médicale pour atteindre des résultats d'excellence. Grâce à des stratégies innovantes, une communication fluide et des protocoles rigoureux, ils assurent non seulement la santé des athlètes mais aussi leur capacité à performer au plus haut niveau. Cette approche intégrée et collaborative entre les équipes médicales et de performance, soutenue par des outils technologiques avancés et des partenariats de recherche, promet de maximiser les chances de succès des athlètes français lors de cet événement mondial tant attendu.

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