“Un mois de délai, une heure trente d’attente pour cinq minutes de rendez-vous” ; “heureusement que j’ai fait des études de pharma sinon je n’aurais rien compris à ce qu’il m’a dit” ; “j’étais tellement stressée que j’en garde un mauvais souvenir” ; “adorable les infirmières du service” …
De nombreux retours patients ne sont jamais partagés avec les soignants mais restent bel et bien dans le cercle privé avec les proches. C’est la révélation principale du “Baromètre de l’expérience patient”, enquête annuelle mise en place par l’IFEP (Institut Français de l’Expérience Patient).
Et cette étude va plus loin et révèle un décalage significatif : alors que 71% des professionnels de santé estiment prendre en compte le vécu des patients, seuls 51% des usagers partagent cette même opinion. Un constat qui soulève donc une question essentielle : qu’en est-il réellement de l’intégration des retours d’expérience des patients pour améliorer les pratiques dans le secteur ?
Alors que la santé reste l’une des préoccupations principales des Français, elle est aujourd’hui encore souvent considérée uniquement via le prisme du régulateur, des organisations de santé, voire des professionnels, mais encore peu à travers le prisme des patients eux-mêmes. L’expérience patient, c’est donc avant tout un autre regard porté sur cet enjeu essentiel qu’est la santé, c’est une approche différente et originale pour appréhender des problématiques pas forcément évidentes et pour s’adapter à partir des retours de terrain des patients. Mais comment la définir concrètement ?
“L’expérience patient est cruciale, elle comprend non seulement les soins reçus mais aussi le confort, l’environnement et les interactions avec les professionnels de santé tout au long du parcours de soin. Elle est faite de la douleur, de la dépendance, de l’inquiétude. Elle appartient au patient, elle est vécue par lui mais aussi par ses proches, et est exprimée ou pas.” détaille Amak Kouevi, directeur de l’Institut Français de l’Expérience Patient.
L’expérience patient est souvent réduite à des données quantitatives. Pourtant, il est indispensable pour les managers de santé d’aller plus loin : elle englobe en réalité les récits personnels, les observations, les préoccupations des usagers et leurs besoins. Chacun doit donc s’interroger à son niveau : quelles sont mes pratiques actuelles ? Intègre-t-on réellement les retours des patients dans nos pratiques quotidiennes au sein de mon établissement de santé ?
On peut considérer qu’il y a trois angles d’approche de l’expérience patient :
- ce que peuvent partager les patients dans un questionnaire, sur leurs expériences vécues dans l’établissement
- ce qu’on observe au quotidien
- ce que les patients partagent lors d’un entretien
L’expérience patient doit intégrer différentes dimensions pour être la plus complète et précise possible. Amah Kouevi analyse : “L’expérience patient, c’est avant tout les soins, les examens, les interventions, mais c’est aussi bien d’autres aspects comme l’environnement, le confort de prise en charge, les repas, les relations avec l’ensemble des intervenants sur un parcours de santé.”
Dès lors qu’un établissement initie une méthodologie d’expérience patient, il est important de réfléchir au fond des pratiques : quel est le rapport entre l’expérience souhaitée et l’expérience délivrée par les soignants ? Quel est le rapport entre l’expérience attendue et l’expérience reçue par les patients ?
La dynamique grandissante en France de l’expérience patient rejoint une dynamique plus large, qui s’inscrit au niveau international et concerne l’ensemble des systèmes de santé. Il est fondamental pour tous managers de santé qui souhaite inculquer une culture de l’expérience patient dans son établissement de se demander : que signifie vraiment la notion multidimensionnelle de l’expérience patient ? Comment inscrire l’écoute comme pilier majeur de l’expérience patient? Quels outils mettre en place pour améliorer l’expérience patient, mais aussi les pratiques de management de l’expérience patient ?
En réalité, une grande diversité d’actions peuvent être menées, de façon simple, et uniquement en se basant sur l’écoute des patients et sur leur proposition.
Marion Lanly, directrice et cheffe du service de l’expérience et du partenariat patient à l’AP-HP, évoque 3 volets distincts :
- le recueil de la voix du patient, via des questionnaires de satisfaction, des approches qualitatives au lit du patient, des approches narratives pour aller capter d’autres éléments non déclarés dans le questionnaire, et au travers de projets en partenariat patient - recueil qu’il est nécessaire de correctement analyser ensuite pour passer à l’action.
- les projets d’amélioration concrets, via des actions qui peuvent être rapides à mettre en place (accueil dans l’établissement et hospitalité, accompagnement des proches, outils pédagogique pour optimiser le parcours patient…) et quand cela est pertinent et possible, en partenariat avec des patients
- la culture à insuffler dans l’établissement : qu’est-ce qu’une démarche expérience patient apporte à un établissement et à ses professionnels ? Comment peut-on améliorer l’expérience patient ?
Ces trois dimensions sont indispensables pour la bonne compréhension de l’expérience patient, sa prise en compte pour la définition d’actions d’amélioration ou d’innovation les plus pertinentes.
Valérie Moulins, directrice de l’expérience patient à l’Hôpital Foch, adopte quant à elle une méthodologie consistant à suivre le parcours du patient de chez lui (son départ) jusqu’à chez lui (son retour).
“Au sein de l’Hôpital Foch, on prend des idées qui viennent principalement du patient, et on met en place des actions efficaces, simples et rapides pour les satisfaire. Les actions mises en place ne concernent pas que le personnel de l’hôpital mais aussi les prestataires : il est fondamental d’agir aussi sur l’aspect restauration, lingerie… Ce sont des petites choses simples à mettre en place mais qui fonctionnent et qui sont efficaces.”
Quant au recueil des besoins du patient, plusieurs méthodes sont utilisées au sein de cet établissement de santé : le recueil au lit du patient, en chambre ; la mise en place de groupe de travail, via la méthode du “design thinking”, notamment sur le sujet de la sortie de l’établissement, sujet particulièrement sensible ; le recueil via le sire internet.
“Il est essentiel par la suite de communiquer sur ces retours et de les partager, afin d’impliquer le personnel et de lui faire comprendre l’intérêt de cette démarche. A Foch, nous partageons les retours tous les vendredis auprès des représentants des usagers, du CODIR ou encore des chefs de service.”
Dans l’expérience patient, trois mots clés sont donc à retenir pour se lancer : ON RECUEILLE, ON AGIT ET ON PARTAGE !
Article publié pour ManagerSante.com, par Santé Académie, organisme de formation continue en e-learning depuis 2020. Avec les témoignages de Amah Kouevi, directeur de l’Institut Français de l’Expérience patient, Marion Lanly, directrice et chef du service de l’expérience et partenariat patient à l’AP-HP et Valérie Moulins, directrice communication et expérience patient de l’Hôpital Foch.